En réaction au billet de Pierre Bilger, voici mon point de vue:
Je me félicite d'une nouvelle organisation chargée d'encourager l'innovation en France et j'en profites pour faire part de mon expérience et des axes qu'ils me semble nécessaire de renforcer. Comme vous avez sûrement accès à Jean-Louis Beffa, je vous invite à les lui transmettre.
J'ai eu l'occasion de voir comment les choses se passaient dans la silicon valley et en France. Ce qu'il me semble c'est que le plus gros problème actuellement n'est pas tant un problème d'argent qu'un problème de faiblesse de l'eco-système.
Dans mon domaine, les logiciels et les services web, une startup qui démarre en France attaque son marché avec quelques désavantages structurels:
- Le marché européen a un temps de retard sur les usages d'Internet. Les taux de pénétration d'Internet et des différentes technologies sont plus bas. Les habitudes moins développées. Ceci fait qu'espérer développer son entreprise d'abord sur le marché européen et ensuite sur le reste du monde n'a pour résultat que de créer un société visant à être rachetée par l'acteur américain qui voudra venir en Europe. (Dans mon cas, la stratégie open-source est un moyen d'être présent aux USA sans coût d'implantation).
- L'eco-système Internet n'est pas suffisant. Il n'y a pas assez de sociétés existantes, d'experts, de personnels qualifiés, de business angels. Dans la Silicon Valley, on pense, on mange, "software, Internet, web service, ou d'autres technologies". Vous pouvez trouvez un partenaire en allant déjeuner dans presque n'importe quel restaurant du coin.
- l'ANVAR se focalise sur la R&D, alors que la faiblesse est plutôt dans la gestion de l'entreprise et dans le marketing et le commercial. Il y a pas mal d'ingénieurs avec pas mal d'idées. On pourrait même faire revenir des ingénieurs qui ont émigrés en Californie. Par contre les personnes business ayant de l'expérience dans ces domaines sont très rares. Quand-il y en a ils sont trustés par les filiales des sociétés américaines pour le bureau de revente local !
- Je me pose aussi beaucoup de questions sur l'impact de la disponibilité d'une main d'oeuvre à moindre coût pour le développement logiciel. La possibilité de travailler en réseau d'un bout à l'autre du monde rend vraiment possible de faire travailler des ingénieurs en Ukraine, Roumanie, Inde ou en Chine. Est-ce bien raisonnable d'implanter sa R&D en France quand on peut avoir une force de frappe plus importante avec de l'offshore ?
- les investisseurs (et encore plus les responsables des aides publiques) ont peu l'habitude des business models basés sur l'acquisition d'une clientèle et la création d'une marque. C'est relativement normal car ils ont été refroidis par la première bulle, mais les modèles open-source et les services web sont des domaines ou pour fonctionner il faut un usage massif du produit avant de commencer à en récolter les fruits.
- l'eco-système n'est pas européen, mais segmenté pays par pays. Il est difficile de couvrir le marché Européen d'un seul coup. Les réseau pour faire connaître sont différents. Les langues demandent beaucoup d'efforts. Il est plus facile de lancer son produit aux USA que dans les différents pays européens.
Il est donc nécessaire de renforcer l'écosystème européen dans le domaine des logiciels et des services web. Pour moi ce n'est pas en finançant de la R&D, mais en finançant la commercialisation des offres, afin d'aider les sociétés à être viables avec des produits qu'elles ont souvent déjà. Ensuite ces sociétés pourront participer au support des nouvelles entreprises innovantes. Peut-être pourrait on aussi encourager les personnes expérimentés du domaine a 'aider' les jeunes pousses.